Le blog du droit routier

FIGARO: JUGER LES CRIMINELS DE LA ROUTE

Publié le 11 décembre 2025 par Me Rémy JOSSEAUME Avocat droit routier

la criminalisation de certains comportements routiers

L’actualité dramatique et quasi quotidienne réactive constamment le débat public de la justice des délinquants de la route et laisse émerger la question de la criminalisation de certains comportements routiers.

Le délinquant routier évolue au sein d’un dispositif répressif empreint de paradoxes. Soumis à une répression rigoureuse et systématique, il connaît la certitude de la sanction et de l’exécution de la peine. Pourtant, les plus inconscients d’entre eux ne répondent pas à leurs fautes intentionnelles devant une cour criminelle. Le délinquant, qualifié volontiers de « criminel de la route » ou « d’assassin au volant », n’en a pourtant pas la qualification juridique.

Depuis près de 30 ans, la politique publique se veut résolument volontariste, et s’abat avec constance et détermination sur l’automobiliste en infraction. Les pouvoirs publics déploient en la matière une efficacité redoutable et singulière : près de 30 millions d’infractions au Code de la route sont relevées annuellement, entraînant le retrait d’environ 13 millions de points du capital des permis de conduire. Le délinquant routier fait ainsi l’expérience quotidienne d’une politique dite de « tolérance zéro ».

Les sanctions, qu’elles soient administratives ou pénales, tombent de manière quasi mécanique, à tel point que certains usagers estiment être moins bien considérés que les délinquants de droit commun. Comment ne pas lui donner raison ?

Le conducteur en infraction se voit exposer à un ensemble de mesures, le plus souvent, dérogatoires au droit pénal général, lesquelles érigent progressivement le droit routier en un véritable droit d’exception.

On recense parmi ces sanctions la suspension administrative immédiate du permis, la confiscation obligatoire du véhicule, les peines planchers d’amende, la perte automatique de points, l’exécution provisoire des décisions de justice et parfois même sans débat préalable … etc… L’expression d’une vraie bureaucratie judiciaire.

Une seule faute peut entraîner l’application cumulative de cinq ou six sanctions distinctes.

Après la mise place du permis à points (1992), des radars automatiques (2003) et de la création de l’homicide routier (2025), refonte lexicale sans modification des peines encourues, les chiffres de l’insécurité routière stagnent toujours depuis dix ans. C’est sans nul doute l’expression d’un échec.

Plusieurs raisons à cela : l’orientation d’une politique désincarnée du contrôle routier et l’absence de criminalisation de certaines inconsciences sur la route.

Nous payons aujourd’hui la facture d’une politique de sécurité routière déshumanisée au profit d’une action publique polarisée sur le tout radar automatique qui pensait éradiquer par la sanction de l’excès de vitesse les maux de l’insécurité routière.

Il nous faut désormais renouer avec une véritable dynamique de prévention, et mener une réflexion pour franchir le pas visant à criminaliser certaines infractions routières commises avec véhicule, arme par destination.

La question de la criminalisation de certains comportements routiers n’est-elle pas la prochaine pierre angulaire d’une nouvelle politique de sécurité routière ?

L’auteur d’un homicide routier, commis sous l’empire de plusieurs circonstances aggravantes concomitantes (défaut de permis, refus d’obtempérer,.. ), et la prise volontaire d’alcool et/ou de stupéfiants, que l’on ne peut feindre d’ignorer, suivie de la décision consciente de conduire, ne devrait-il pas répondre de ses actes devant une juridiction criminelle ?

Si les conséquences dommageables ne sont pas, stricto sensu, intentionnelles, elles procèdent sans conteste d’une intentionnalité coupable, née d’un enchaînement volontaire de prise de décisions. Si son auteur n’en a pas voulu les conséquences, il a intentionnellement contribué à leurs réalisations. L’acte n’est pas totalement accidentel et s’apparente à un crime routier.

Il n’y a rien d’involontaire à consommer des stupéfiants ou à s’enivrer. Il n’y a rien d’involontaire à prendre la fuite après avoir commis un accident. Les exemples sont multiples. Criminaliser des faits routiers n’est pas vouloir réprimer la simple conscience d’un potentiel risque d’homicide par une succession de prise de risques.

C’est simplement être en cohérence avec notre droit pénal qui criminalise les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies de quinze ans de réclusion criminelle. L’élément intentionnel de ces violences volontaires réside dans le seul fait de vouloir l’acte, peu importe que l’auteur ait ou non voulu causer le dommage, donc ait eu l’intention d’attenter à l’intégrité d’autrui, que celui-ci soit ou non identifié.

La criminalisation aura pour vocation de rappeler que la route est un espace partagé où la prise de risques peut conduire à des conséquences irréversibles.

Elle doit être ciblée et réservée aux faits les plus graves pour écarter de la société ceux qui n’en acceptent le plus souvent jamais les règles.

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