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L’entretien des routes n’est clairement pas prioritaire

Par Éric De La Chesnais - Publié dans le FIGARO

DÉCRYPTAGE - De plus en plus nombreux dans la capitale, ces trous dans la chaussée peuvent être pléthoriques et ne semblent pas préoccuper la mairie de Paris.

Paris est mondialement connue pour la beauté de ses monuments mais aussi pour la saleté de ses rues et leur mauvais entretien. La tenue des Jeux olympiques aurait dû accélérer les chantiers de remise en état de la voirie, mais il n’en est rien. Au contraire, les nids-de-poule se multiplient sur la chaussée, au grand dam de tous les usagers et au prix de leur sécurité. «La situation des nids-de-poule à Paris s’est considérablement dégradée depuis cinq ans, observe Me Rémy Josseaume, avocat en droit routier. De plus en plus de personnes me contactent pour faire un recours contre la ville après un accident provoqué par ces trous béants sur la chaussée. Cela concerne tous les usagers: du cycliste qui va se fissurer un ménisque en chutant au motard qui se fracture un bras, en passant par l’automobiliste qui a abîmé ses amortisseurs, sans oublier le piéton dont le pied est resté bloqué dans un trou alors qu’il traversait la rue.»

Pour la direction de la Sécurité routière, c’est un non-sujet. «Rien dans l’Observatoire de la route ne se rapporte aux nids-de-poule, encore moins à Paris, affirme une porte-parole. D’après l’étude “Flam” («Facteurs liés aux accidents mortels», NDLR) du Cerema (Climat et territoires de demain), 3 % des accidents mortels des deux-roues motorisés sont liés à un défaut d’entretien de la route, contre 1 % des accidents mortels n’impliquant pas de deux-roues motorisés.»

Le phénomène des nids-de-poule touche aussi les rues au cœur de la capitale, où les trous sont pléthoriques. Lucas Pialot

(…)  ce mauvais entretien serait l’un des outils de la ville de Paris pour dissuader les voitures de circuler dans la capitale. «À Paris, l’entretien des routes n’est clairement pas prioritaire. L’inaction de la ville dans ce domaine le prouve, commente le responsable associatif. On laisse délibérément l’état de la chaussée se dégrader. C’est le cas du côté du camping de Paris, vers le bois de Boulogne, non loin de l’hippodrome de Longchamp. Il y a de gros nids-de-poule un peu partout, obligeant les conducteurs à faire des écarts. C’est dangereux pour les autres usagers, comme les cyclistes ou les deux-roues motorisés qui circulent en parallèle aux voitures. À croire que la municipalité voudrait fermer ces voies à la circulation automobile.»

Les trous dans la chaussée constituent un point de stress en plus. Il faut les faire remonter sur le site de la ville de Paris “Dans ma rue” pour qu’ils soient traités. Quand de nouvelles pistes cyclables sont créées, nous voulons que la ville refasse le revêtement en même temps

Un phénomène qui touche aussi les rues au cœur de la capitale, où les trous sont pléthoriques. «Il y a peu, une automobiliste qui circulait le long du quai de l’Hôtel-de-Ville a fait une embardée pour éviter un nid-de-poule sur le côté droit, se souvient Jean-Marc Belotti, coordinateur de la Fédération française des motards en colère (FFMC) à Paris et petite couronne. Je me trouvais sur la file de gauche. Or, dans son écart, la voiture m’a poussé sur la file venant en contresens. Heureusement, personne ne venait en face! Avec l’expérience et ma moto tout-terrain, j’ai pu redresser mes deux roues, mais un scooter, avec ses petites roues, aurait chuté.»

Outre les lenteurs de la mairie de Paris à réparer ces trous dans la chaussée, Jean-Marc Belotti dénonce les mauvais matériaux utilisés par les services de la voirie pour les combler. «Ils utilisent de l’enrobé à froid pour les reboucher. Avec l’abrasion des roues, cela disparaît au bout de trois semaines et l’on revient à la situation initiale, déplore-t-il. En plus, cela crée de nombreux accidents dont les victimes ne sont pas seulement les motards.»

En effet, l’enrobé à froid crée des boursouflures sur la chaussée. Olivier, cadre parisien et cycliste occasionnel, se souvient de sa mésaventure. «En revenant de mon travail à vélo, un soir d’hiver 2022, j’ai fait un soleil sans raison apparente, raconte-t-il. En chutant, je me suis cassé le poignet. On m’a opéré d’urgence, et j’ai eu huit jours d’arrêt de travail. Je suis retourné sur place pour comprendre la raison de mon accident et j’ai pu constater ce bourrelet de bitume sur la moitié de la chaussée. Désormais, je n’utilise plus le vélo, pourtant j’étais très prudent.» Tous les arrondissements sont touchés. Dans le 17e, le maire, Geoffroy Boulard (LR), agit avec les moyens que lui octroie la mairie centrale. «Nous aurions besoin de 3,3 millions d’euros pour la réfection de la chaussée. Nous avons un budget limité à moins de 1 million d’euros. C’est pourtant un sujet de sécurité routière et d’amélioration de la vie au quotidien.»

Pour Paris en selle, association revendiquant un millier de cyclistes dans la capitale, «les trous dans la chaussée constituent un point de stress en plus. Il faut les faire remonter sur le site de la ville de Paris “Dans ma rue” pour qu’ils soient traités. Quand de nouvelles pistes cyclables sont créées, nous voulons que la ville refasse le revêtement en même temps», réclame Marion Soulet, porte-parole de l’association. Sollicitée à de multiples reprises, la mairie de Paris n’a pas souhaité s’exprimer.