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Publié le 14 janvier 2023 par Me JOSSEAUME

DOS D'ANE ACCIDENT

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Paris : la vie brisée de Florence, handicapée après une chute sur un dos-d’âne illégal

Voici quinze mois, Florence s’est gravement blessée à vélo en passant sur un ralentisseur situé rue des Couronnes (XXe). Un accident qui a eu des conséquences sur son travail et sa famille. « Très en colère contre les pouvoirs publics », elle a décidé d’engager une procédure judiciaire à l’encontre de la municipalité.

 

Par Florian Loisy 

Le 14 janvier 2023 à 07h45

 

Le 27 septembre 2021, la vie de Florence, 46 ans, a basculé. Il est 13 heures, cette patronne d’une start-up en plein essor, circule à vélo rue des Couronnes (Paris XXe) « à une vitesse normale et raisonnable » selon deux témoins. Arrivée devant l’école, sur le dos-d’âne, cette cycliste chevronnée qui effectue depuis vingt ans l’essentiel de ses trajets sur son deux-roues, perd le contrôle de son vélo. « J’ai eu la sensation de sauter, mais je ne me souviens plus très bien, car j’étais dans un état second une fois au sol, lâche-t-elle encore émue par ce souvenir même quinze mois plus tard. Mais il y a quelque chose qui n’est pas normal, car je suis toujours hyper prudente. »

L’os de sa cheville sort de sa jambe. Elle est ouverte des deux côtés. Les pompiers la transportent aux urgences où elle est opérée. Florence finira handicapée. Elle a donc décidé d’engager une procédure contre la municipalité qui a érigé un dos-d’âne qui serait notamment trop haut au regard de la loi et qui est, en plus, mal entretenu.

Mais avant de poursuivre la mairie de Paris, la quadragénaire est d’abord rattrapée par son quotidien. « C’était l’enfer pour gérer mon fils de 10 ans, et je mettais ma société de plate-forme de coaching un peu entre parenthèses, mais je ne m’inquiétais pas plus que ça », glisse celle qui a perdu son compagnon avant la naissance de son enfant, ainsi que ses parents dans les mois suivants et n’a donc plus de famille proche pour l’aider.

Plâtrée durant quarante-cinq jours, la victime commence ensuite les séances de kiné pour tenter de récupérer un peu de mobilité de la cheville. Mais les douleurs sont si fortes qu’elle pleure au moindre effort. « On m’a refait des examens, et les médecins m’ont dit que je n’avais plus du tout de cartilage, c’est simple c’est comme si une voiture n’avait pas de pneu et roulait sur une jante, tous mes os frottent entre eux à chaque mouvement », décrypte-t-elle.

« J’étais une femme très active, j’ai dû faire le deuil de ma vie d’avant »

Trois choix s’offrent à elle : ne plus mettre son pied au sol et circuler uniquement avec des béquilles. Se faire poser des vis dans la cheville pour qu’elle ne bouge plus jamais. Ou se faire opérer, retirer la cheville et poser une prothèse qui devra être changée tous les dix ans environ. « Toute ma vie s’est écroulée, se rappelle Florence dont le taux de handicap, qui pourra être réévalué, a été estimé dans un premier temps à 13 %. Jusque-là, j’étais une femme très active, je pratiquais des sports de glisse, j’allais régulièrement voir des expositions avec mon fils, on partait au ski en vacances… J’ai dû faire le deuil de ma vie d’avant. Maintenant, même pour me rendre au restaurant c’est toute une organisation. »

Sa société qui lui permettait de gagner confortablement sa vie périclite. Elle tombe en dépression. « Je ne pouvais même pas toucher le chômage, mes économies se sont envolées, mon fils qui était bon élève est en échec scolaire, il est très angoissé car il n’a plus que moi et il a eu peur de me perdre, mais il remonte la pente maintenant », confie celle qui a aussi été quittée par son conjoint de l’époque.

« J’ai vu un psy pour ne pas commettre l’irréparable, souffle Florence. Quand on n’a plus rien c’est vraiment très dur, je ne voyais plus d’avenir, si je n’avais pas eu mon fils… » Malgré ces difficultés, cette mère courage est parvenue à retrouver un travail au dernier trimestre 2022 : « Il le fallait, pour survivre, continuer de payer mon loyer. »

Dès les premières complications, fin 2021, elle a l’idée de contacter un avocat qui mandate un huissier pour constater les défauts du dos-d’âne : « Depuis le bord du trottoir, je positionne mon mètre, note-t-il. Je constate que la hauteur maximale du ralentisseur est d’environ 17-18 cm. Le revêtement est dégradé. Le bitume est délité et manquant en plusieurs endroits, créant des nids-de-poule. »

Un format anormal car, pour correspondre au décret datant du 27 mai 1994, ces aménagements doivent posséder un plateau compris entre 2,50 et 4 m et ne pas dépasser 10 cm de haut. Surtout, il est interdit d’en implanter sur des axes empruntés régulièrement par des transports en commun, proches des hôpitaux, ni sur des voies où le trafic est supérieur à 3000 véhicules par jour en moyenne. Bref, il est théoriquement quasiment impossible d’en poser à Paris et dans de nombreuses communes franciliennes.

Les coussins berlinois, eux, sont dans un flou juridique. Lors de plaintes en cas d’accident, les collectivités profitent du fait que ces ralentisseurs en forme de trapèze ne relèvent pas du décret de 1994 qui parle pourtant des structures trapézoïdales. En revanche, les associations de cyclistes assurent que leur hauteur et leur revêtement glissant constituent un danger et ils militent aussi pour les supprimer.

En son sommet le bombement ne devrait pas dépasser 10cm. Ce qui n'est pas le cas. 

Et aujourd’hui, près de quinze mois après les faits, les trous dans la chaussée de la rue des Couronnes n’ont toujours pas été comblés par la municipalité, malgré la procédure en cours. « Cette inaction de la ville est incompréhensible, les services sont pourtant au courant et savent que ce dos-d’âne a déjà causé de graves blessures », peste Maître Josseaume, l’avocat qui assiste Florence.

D’ailleurs, il suffit de se poster sur place durant une dizaine de minutes pour constater que le bas de caisse de près d’une voiture sur deux frotte sur le bitume au passage de ce ralentisseur. « Je préfère rouler dans le caniveau pour éviter de passer sur ce dos-d’âne », témoigne un cycliste dont le guidon frôle, du coup, les poteaux métalliques implantés sur le trottoir.

Une expertise pour chiffrer le préjudice physique, esthétique, les douleurs et l’invalidité

« Je suis très en colère contre les pouvoirs publics. On met les gens en danger. La mairie de Paris veut qu’il y ait de plus en plus de cyclistes, mais rien n’est fait pour qu’ils restent en vie, martèle Florence qui regrette aussi que les infrastructures ne soient toujours pas adaptées aux handicapés. J’ai engagé cette procédure contre la ville après mon accident pour que cela ne se reproduise plus. Qu’ils sachent qu’ils sont responsables et reconnaissent le mal qu’ils m’ont fait. Tout ce que j’ai perdu ne sera jamais compensé par de l’argent. J’étais heureuse avant. »

Rémy Josseaume avocat spécialisé en droit routier a donc engagé une première procédure en référé auprès du tribunal administratif. « Cela permet d’obtenir une expertise pour chiffrer le préjudice physique, esthétique, les douleurs et l’invalidité, ensuite il faut ajouter les frais engagés par ma cliente, ainsi que ses pertes, avance-t-il. Nous présenterons cette demande d’indemnisation à la mairie de Paris. Et selon leur réponse, nous saisirons le tribunal. Ces blessures ont été causées par une violation des obligations réglementaires. Et ce dos-d’âne illégal n’est pas un cas unique à Paris. »

« Notre priorité c’est d’éviter un drame », insiste la mairie

Actuellement, 1 458 ralentisseurs sont installés dans les rues de la capitale. « Sur les cinq dernières années, nous avons un peu moins d’un accident de cycliste par an causé par des dos-d’âne et ils n’ont pas vocation à être retirés puisqu’ils sont implantés pour inciter les usagers à respecter les limitations de vitesse », indique la municipalité qui précise que celui situé rue des Couronnes est présent au moins depuis 2008.

Des nids-de-poule se sont formés le long de l'aménagement, rendant son franchissement plus dangereux. 

« Et nous sommes bien entendu désolés pour cette dame, renchérit Jacques Baudrier, adjoint d’Anne Hidalgo en charge des travaux. D’habitude, les cyclistes victimes d’accident nous contactent pour une procédure à l’amiable. Pas là, c’est pour cela que nous ne nous sommes pas encore excusés. Et de manière générale, nous avons chaque année une dizaine de ralentisseurs en moins dans Paris, notamment pour faciliter les trajets à vélo ou parce que nous modifions le statut des voies, pour un passage en aire piétonne par exemple. Il arrive qu’on en ajoute encore parfois pour répondre à des demandes locales, notamment d’associations de parents d’élèves, sur le parcours qu’empruntent leurs enfants pour aller à l’école. Car notre première priorité, c’est d’éviter un drame, qu’un enfant se fasse renverser. »

L’élu, pourtant lui-même cycliste et passant souvent par la rue des Couronnes, n’avait pas remarqué qu’il y avait un nid-de-poule sur ce dos-d’âne. « Nous allons immédiatement le combler, assure-t-il. Ce ralentisseur n’a d’ailleurs pas encore été modifié malgré ce qui est arrivé, car en 2023, une grande concertation sera menée sur ce quartier, avant de le réaménager. Il est donc très possible qu’il disparaisse. »

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